L’endettement croissant de la population, et des jeunes en particulier, crée non seulement un facteur extrêmement dangereux d’exclusion sociale, mais coûte aussi très cher aux collectivités publiques.
Pour les personnes concernées, l’endettement les entraîne en effet dans les eaux tumultueuses des créanciers et des actes de défauts de biens, eaux desquelles non seulement il leur est très difficile de sortir, mais lesquelles les font s’éloigner des rivages de notre société jusqu’au naufrage.
Pour les collectivités, l’endettement a un coût.
D’une part, les personnes endettées ne paient plus ou presque plus d’impôts et, d’autre part, pour celles qui cumulent les difficultés et pour qui l’endettement constitue jour après jour une descente aux enfers, il ne reste plus que l’aide sociale. Tous les CSR du canton doivent ainsi traiter de plus en plus de dossiers de personnes aux revenus modestes dont les dettes accumulées s’élèvent facilement jusqu’à CHF 50’000, CHF 100’000 voire CHF 200’000.
Il est aujourd’hui de notoriété publique que le surendettement est devenu un véritable fléau qui touche tout particulièrement les jeunes adultes.
Ainsi, on relève que:
- 25% des jeunes entre 16 et 25 ans dépensent plus d’argent qu’ils ne peuvent se permettre;
- 80% des personnes endettées l’ont été pour la première fois avant l’âge de 25 ans;
- 85% des jeunes de 14 à 24 ans considèrent le shopping comme une part importante de leurs loisirs;
- 33% de la population a tendance à ne pas pouvoir contrôler son comportement en matière d’achat;
- en Suisse, à la fin de l’année 2005, le montant total des dettes de tiers s’élevait à 9 milliards de CHF1.
Dans une société où les personnes sont confrontées à des techniques commerciales omniprésentes les poussant à la surconsommation et à la dépendance à l’achat, la publicité pour le petit crédit contribue encore davantage à faire sombrer de nombreux ménages dans l’endettement.
A l’heure où la Confédération et les cantons essaient un peu partout de mettre un frein aux effets de l’endettement, il importe de limiter la publicité en faveur du petit crédit d’autant que les jeunes y sont particulièrement sensibles. En ce sens, c’est aux communes d’agir dans leur domaine de compétences, en particulier sur les limitations des autorisations délivrées pour les affichages publicitaires en matière de petit crédit.
L’affichage publicitaire est réglé comme suit:
- la Loi cantonale sur les Procédés de Réclame (LPR) du 06.12.1988 attribue aux communes la compétence de délivrer les autorisations en matière de procédé de réclame. L’article 5 al. 1 let. b LPR dit en particulier que « l’autorité compétente peut restreindre ou interdire: […] l’emploi de procédés de réclame pour des produits dont l’usage engendre la dépendance […] »;
- la Loi cantonale sur l’Exercice des Activités Economiques (LEAE) du 31.05.2005 dit dans son article 80 que « La publicité pour le petit crédit est interdite ». Cette disposition a une portée pratique et est directement applicable. En l’occurrence, la Loi fédérale sur le Crédit à la Consommation (LCC) du 23.03.2001 n’a pas de force dérogatoire puisqu’elle ne règle, dans son article 38, que les questions de contrats à la consommation et non de publicité. Ainsi, la LCC ne peut écarter une réglementation cantonale protectrice que pour autant qu’un contrat entre dans son champ d’application. L’interdiction de la publicité en matière de petit crédit n’entre donc pas dans le champ de compétence de la LCC, mais bien dans celui de la LEAE. Un avis de la Confédération indique en ce sens ne pas exclure « qu’un canton puisse interdire, par exemple, la publicité pour des crédits à la consommation dans ses propres bâtiments ou sur le sol public […] » (« avis de droit » du Service de justice de la Confédération, publié dans le « Rapport de la Commission chargée d’examiner l’exposé des motifs et projets de lois sur l’exercice des activités économiques », Grand Conseil du canton de Vaud, RC – 228, mars – avril 2005, p. 18);
- enfin, le Tribunal fédéral a rappelé dans sa jurisprudence que le domaine public est soumis à la haute police de l’Etat sur le territoire duquel il se trouve. La réglementation de l’affichage, notamment dans les localités, doit répondre à un intérêt public réel et permet d’imposer à l’entreprise concessionnaire certaines conditions. Le Tribunal fédéral considère qu’une loi cantonale est notamment conforme à l’ordre juridique si elle interdit l’affichage, sous quelque forme que ce soit, de publicité en faveur du tabac et de certains alcools. Il a également reconnu que « le commerce du crédit à la consommation est lié à des risques importants pour les emprunteurs insouciants et socialement faibles » et « qu’il est conforme à un intérêt public reconnu de politique sociale de s’opposer à ce qu’un large cercle de la population s’endette de manière exorbitante par des crédits à la consommation excédant sa capacité économique » (ATF 120 Ia 286, 294; 120 Ia 299, 306).
A l’heure où les sociétés de crédits se livrent à une concurrence sans merci en affichant des publicités toujours plus racoleuses pour attraper de jeunes et nouvelles proies, notre commune se doit d’adopter, d’autant qu’elle compte sur son territoire une très forte proportion de jeunes, une disposition d’interdiction de ce type de publicité sans que sa légalité ne soit remise en cause.
En conclusion, et conformément aux articles 18 LPR et 80 LEAE, je demande à la Municipalité, au nom du Parti socialiste de Chavannes-près-Renens, d’élaborer et de nous proposer les bases réglementaires sous la forme d’un règlement sur les procédés de réclames qui vise l’interdiction de toute publicité en faveur du petit crédit sur le domaine public et sur le domaine privé visible depuis le domaine public.
Chavannes-près-Renens, le 2 novembre 2006
Alexandre RYDLO
Président du Parti socialiste de Chavannes-près-Renens
Conseiller communal socialiste