Interpellation déposée par Alexandre Rydlo lors de la séance du Grand Conseil du 29.04.2014
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
1. De l’histoire de l’informatique dans l’enseignement vaudois
Si les premiers ordinateurs sont développés pendant la seconde guerre mondiale, l’équipement des premiers établissements scolaires vaudois en matériel informatique remonte à il y a une trentaine d’années. Les établissements secondaires vaudois sont ainsi tous équipés entre 1980 et 1990, suivis de près par les établissements primaires. En parallèle, sont organisées les premières formations d’animateurs en informatique pour les enseignant-e-s.
De 1990 à 2000, le département instaure le CEMTIC (Centre d’éducation aux médias et aux technologies de l’information et de la communication) et le CISEP (Centre informatique du service de l’enseignement primaire) qui apportent soutien, conseils, formations ainsi que des ressources matérielles et pédagogiques. Ces centres seront fusionnés en 1996, puis fermés par le département en juillet 2001. Les animateurs informatiques et/ou responsables techniques se formeront dès lors en autodidactes, afin de gérer les parcs informatiques toujours plus complexes des établissements.
Constatant que les équipements achetés étaient sous-exploités par le corps enseignant, notre canton a organisé dès 2005 une formation de PRessMéTIC (Personne Ressource pour les Médias, Technologie de l’Information et de la Communication) à la HEP.
En parallèle, notre canton établit de 2005 à 2006 un schéma directeur intitulé « Ecole et Informatique ». Ce document a la volonté de développer une vision d’ensemble pour l’informatique pédagogique dans l’école vaudoise. L’atteinte de ces objectifs était prévue pour l’année 2012.
En 2009, la DGEO introduit le CTIP (Centre Technique de l’Informatique Pédagogique) qui prendra progressivement à sa charge la maintenance technique des ordinateurs pédagogiques. Début 2014, une petite moitié des établissements ont été rattachés à ce service.
Une seconde formation de personnes ressources est mise en place par la HEP entre 2010 et 2012. Les images trouvant toujours plus d’applications dans les nouvelles technologies, la HEP modifie le nom de la fonction de PRessMéTIC en PRessMITIC (Personne Ressource pour les Médias, Images, Technologie de l’Information et de la Communication). Une troisième volée de PRessMITIC est en cours de formation à la HEP de 2012 à 2014.
En 2012, l’introduction du PER (Plan d’Etude Romand) impose l’intégration des MITIC par tous les enseignants et toutes les disciplines dans les écoles.
2. De l’enseignement actuel de l’informatique dans les établissements vaudois
Actuellement, l’enseignement de l’informatique dans l’école vaudoise fait partie du cursus des degrés 7 et 8 HarmoS à raison d’une période hebdomadaire.
Pour soutenir les enseignant-e-s dans cette tâche d’intégration des MITIC dans leur enseignement, le schéma directeur « Ecole et informatique » a institué la fonction de PRessMITIC dans les établissements. Le nombre de décharges recommandé par ce document correspond aux besoins du terrain. Il est de 0.4 période par classe (chapitre 9.3, mission 2).
Malheureusement, tous les établissements scolaires vaudois ne bénéficient pas des mêmes prestations, ceci aussi bien au niveau du nombre de personnes ressources que du nombre de décharges attribuées à ces dernières.
Ainsi, selon un récent sondage effectué dans les écoles vaudoises, on relève que :
- 8 établissements secondaires de la DGEO ne sont dotés d’aucun PRessMITIC ;
- 24 établissements sont dotés d’un seul PRessMITIC ;
- 33 établissements sont dotés de 2 ;
- 12 établissements sont dotés de 3 ;
- 11 établissements sont dotés de 4.
Concernant les périodes de décharge, ce sondage indique que :
- 5 établissements ne leur offrent aucune décharge ;
- 28 établissements leur offrent une décharge entre 0.04 et 0.11 période par classe ;
- 24 établissements leur offrent une décharge entre 0.12 et 0.31 période par classe ;
- 1 seul établissement offre une décharge de 0.6 période par classe.
On peut donc constater qu’un seul établissement seulement atteint l’objectif du schéma directeur tandis que 13 établissements (8 établissements sans PRessMITIC et 5 établissements sans offre de décharges à leur PRessMITIC) n’ont aucune ressource pour leurs enseignants.
Dans un canton où les standards d’enseignement devraient être uniformisés, on observe donc de grandes disparités entre les établissements scolaires, lesquelles proviennent du fait que ces décisions relèvent de la compétence des directions d’établissement, dans le cadre de leur gestion de l’enveloppe pédagogique, et non du canton.
De grandes différences sont par ailleurs aussi observables dans la prise en charge d’achats d’équipements MITIC par les communes. Par exemple, de nombreux établissements ne sont pas équipés d’un réseau informatique avec un débit de données suffisant, ou n’offrent pas le même éventail et la même qualité de moyens.
3. De la suppression annoncée de l’enseignement informatique
A une époque où l’informatique est omniprésente, tant dans l’environnement professionnel que dans l’environnement privé, notre canton a par ailleurs décidé, dès la rentrée d’août 2015, de supprimer l’enseignement de l’informatique.
Après consultation des grilles horaires des autres cantons romands, le canton de Vaud est malheureusement le seul à avoir choisi cette option !
Cette décision a vraisemblablement été prise en partant du principe que, selon les directives du PER, chaque enseignant-e doit former ses élèves à l’utilisation des MITIC.
Or beaucoup d’enseignant-e-s n’ont pas les compétences pour le faire, et même ceux ayant les compétences risquent d’avoir beaucoup de difficultés à dispenser à la fois leur programme normal, et celui nécessaire à la transmission des notions de bases en informatique (savoir-faire).
Idéalement, les cours d’informatique devraient être perçus comme une base indispensable et complémentaire à l’intégration des MITIC, imposés par le PER.
En outre, au vu du manque de personnes ressources (PRessMITIC) dans les établissements, et du manque de moyens qui leur sont attribués aujourd’hui, on peut s’interroger sur la manière et l’efficacité avec lesquelles les MITIC seront réellement enseignées à l’avenir dans les écoles vaudoises en cas de suppression des cours de base d’informatique.
L’annonce de la suppression pure et dure de l’enseignement de l’informatique dans l’enseignement obligatoire est donc préoccupante. De nos jours, on attendrait de l’école, outre d’apprendre à lire, écrire et compter, qu’elle soit garante du fait que chaque élève maîtrise les bases de l’informatique, et soit conscient des risques inhérents aux nouvelles technologies.
La maîtrise de l’informatique et des technologies numériques est par ailleurs devenue une nécessité pour l’exercice de presque tous les métiers. Mettre en péril l’enseignement de l’informatique revient à mettre en péril la capacité des élèves vaudois, à l’issue de la scolarité obligatoire, de se promouvoir sur un marché du travail déjà difficile, partant met en péril l’égalité même des chances à l’issue de la scolarité obligatoire.
On peut par ailleurs s’interroger sur les conséquences à long terme de cette suppression sur les résultats des élèves des filières scientifiques au gymnase et ensuite à l’UNIL et, surtout, à l’EPFL. Dans une période économique en manque d’ingénieur-e-s, ces conséquences pourraient être dramatiques.
Les jeux informatiques, les réseaux sociaux et autres Smartphones, auxquels les jeunes générations sont aujourd’hui habituées, ne remplaceront jamais des cours d’informatique bien conçus et dispensés par des enseignants qualifiés et motivés.
Aussi je pose les questions suivantes au Conseil d’Etat.
- Comment éviter les écarts entre les recommandations du schéma directeur « Ecole et informatique » et les réalités du terrain dans les établissements ?
- Pourquoi n’y a-t-il pas une suite au schéma directeur « Ecole et informatique » échu en 2012 et dont les objectifs ne sont que partiellement atteints ?
- Toutes les classes du canton ont été équipées d’ordinateurs. A-t-on mis les moyens nécessaires pour permettre qu’ils soient utilisés à bon escient, et ainsi permettre une réelle éducation aux médias (prévention, droits d’auteur, identité numérique, …) ?
- Ne serait-il pas opportun que l’achat et l’attribution de tous les moyens MITIC des écoles soient gérés au niveau cantonal ?
- S’il n’y a pas de périodes de décharges fixées par le canton pour les PRessMITIC dans un établissement, comment assurer une intégration minimale des MITIC dans celui-ci ?
- Pourquoi les objectifs MITIC du PER ne sont-ils pas évalués ? Respectivement, comment savoir alors si les élèves ont acquis les compétences voulues ?
- Afin d’étudier leur intérêt, des recherches sur l’usage des tablettes ou ordinateurs comme outils d’enseignement pour chaque élève (One to One) sont-elles en cours dans les institutions cantonales (URSP, HEP, Unil, EPFL, …) ? De manière plus générale, quels sont les objectifs du canton en matière de numérisation de l’enseignement ?
- Comment éviter la fracture numérique entre l’école et la société sans aucune heure de formation en informatique dans la scolarité obligatoire ?
Merci de votre attention !
Développement souhaité
Chavannes-près-Renens, 29.04.2014
Alexandre RYDLO, Député socialiste