Interpellation déposée par Alexandre Rydlo lors de la séance du Grand Conseil du mardi 02.02.2016 et cosignée par 29 Député-e-s
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,
Mis sous pression économique, le Conseil fédéral a annoncé en ce début d’année vouloir couper dans la formation et la recherche à hauteur de 500 millions de francs pour la période 2017-2020. Face à l’ampleur des coupes budgétaires annoncées, le Conseil des Ecoles polytechniques fédérales (EPF) a aussitôt annoncé, sur proposition du Président de l’EPFL, Patrick Aebischer, vouloir doubler le montant des taxes d’études dans les Ecoles polytechniques fédérales de Lausanne et Zürich dès la rentrée 2017 pour compenser quelque peu ces coupes. Ces taxes pourraient ainsi passer de 1266 francs aujourd’hui, à 2500 francs en 2017.
A noter que cette annonce s’ajoute à celle liée aux craintes de la fin, dès 2017, de l’intégration complète de la Suisse au programme de recherche européen Horizon 2020, suite au résultat de la votation sur l’immigration de masse en février 2014. Cette fin ferait perdre une autre source importante de fonds aux EPF, la Suisse étant alors reclassée comme état tiers pour ce programme.
La volonté d’augmenter les taxes d’études dans les EPF n’est cependant pas nouvelle. En 2009, les étudiants des EPF s’étaient déjà mobilisés pour s’opposer à la volonté des EPF, sur proposition de Patrick Aebischer, de vouloir doubler les taxes d’études. Fin 2012, le Conseil des EPF, toujours sur proposition de Patrick Aebischer, souhaitait à nouveau augmenter les taxes d’études. Celles-ci auraient ainsi dû passer à l’EPFL, dès la rentrée 2016, de 633 francs par semestre à 1250 francs par semestre, soit 2500 francs par an, soit exactement ce qui est de nouveau proposé en ce début d’année.
A l’époque, la mobilisation estudiantine encore plus forte qu’en 2009, l’intervention du soussigné, suivie ensuite dans de nombreux Parlements cantonaux et au Parlement fédéral, d’ailleurs par presque tous les partis, et les interventions de nombreuses autorités cantonales, en particulier celle du Canton de Vaud, ont incité le Conseil des EPF à retirer une nouvelle fois ce projet.
Or, aujourd’hui, ce projet renaît de ses cendres ; si le Conseil des EPF finit par imposer sa volonté d’augmenter les taxes des EPF, les demandes de bourses auprès des cantons exploseront.
Dans sa première interpellation, le soussigné indiquait en effet le résultat d’un sondage réalisé en juin/juillet 2012 par l’association des étudiants de l’EPFL, l’AGEPoly, et rempli par quelque 2176 étudiants. Ce sondage révélait que 43,7 % des étudiants suisses, 74,6 % des ressortissants hors Union européenne (UE) et environ 45 % de ceux de l’UE auraient besoin d’une bourse si les taxes étaient doublées.
Aujourd’hui, la situation financière des étudiants n’a malheureusement pas progressé. Elle s’est même péjorée et le résultat de ce sondage serait vraisemblablement pire. Par conséquent, comme indiqué dans la première interpellation à ce sujet, en cas d’augmentation des taxes d’études, les études dans les EPF se limiteraient à des étudiants très doués (via les bourses d’excellence), très aisés, ou alors très endettés, et c’est l’égalité des chances dans l’accès aux études supérieures polytechniques qui serait anéantie.
Le droit à l’éducation doit absolument rester un droit primordial dans notre pays. En augmentant les taxes d’études, ce droit deviendra un privilège. Mis à part quelques chanceux qui auront droit à une bourse, les étudiants plus modestes ne pourront plus prétendre à une formation dans les EPF. La population des EPF à l’avenir se résumerait donc à des jeunes de classe sociale élevée, ou, comme c’est le cas aux USA et en Angleterre, à de jeunes étudiants endettés et qui travaillent durement pour financer leurs études, cumulant souvent deux ou trois petits emplois en parallèle de leurs études.
On peut par ailleurs toujours se demander quels sont les réels motifs qui poussent le Président de l’EPFL, Patrick Aebischer, à proposer une troisième fois une augmentation des taxes d’études. Si celui-ci estime qu’une telle mesure apporterait environ 8 millions de francs au budget de son école, ce montant ne représenterait toujours qu’un peu moins de 1 % du budget annuel total de l’école (environ 900 millions de francs).
C’est donc certainement une fois de plus la volonté de s’inspirer du modèle élitiste américain pour donner encore plus de prestige aux EPF qui semble à l’origine de cette nouvelle volonté d’augmenter les taxes d’études dans les EPF. Veut-on vraiment troquer l’égalité des chances et la diversité estudiantine contre le prestige ?
Par ailleurs, on peut aussi se demander si cette volonté de faire passer à la caisse les étudiants ne cache pas une manière d’éponger en partie les coûts abyssaux d’exploitation des bâtiments de prestige construits ces dernières années sur le campus de l’EPFL, lesquels ne répondent malheureusement pas toujours aux réels besoins des étudiants en salles d’enseignement, de travaux pratiques, d’exercices ou de places de travail, alors même que le nombre d’étudiants augmente.
Aussi, je pose les questions suivantes au Conseil d’Etat.
- Le Conseil d’Etat a-t-il de nouveau été oublié dans les réflexions du Conseil des EPF menant à l’augmentation des taxes d’études dans les EPF, et en particulier aux conséquences de cette augmentation pour le budget cantonal et le travail de l’Office cantonal des bourses d’études (OCBE) ?
- Sachant que les conséquences de l’augmentation des taxes d’études pour les EPF seront nécessairement une augmentation du nombre de demandes de bourses, quels seraient les moyens supplémentaires que le Conseil d’Etat devrait mettre en place pour garantir l’égalité des chances dans l’accès aux études polytechniques ?
- De manière plus générale, quels sont les moyens que le Conseil d’Etat entend mettre de nouveau en place pour lutter contre cette volonté d’augmenter les taxes dans les EPF, dès lors qu’il ne s’agit ni plus ni moins, une nouvelle fois, que d’un transfert caché des charges de la Confédération aux cantons sur le dos des plus défavorisés ?
Chavannes-près-Renens, 02.02.2016
Alexandre Rydlo, Député socialiste