Postulat déposé par Alexandre Rydlo lors de la séance du Grand Conseil de mardi 07.01.2020
La lutte pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre est plus urgente que jamais, et répond à une attente du Peuple. Intervenir à la source de ces émissions est une évidence aujourd’hui contestée par personne.
Quelques partis politiques sont d’ailleurs bien présents dans ce combat, et notamment le Parti socialiste lequel dépose régulièrement des propositions au Grand Conseil pour montrer la voie à suivre, que ce soit par exemple pour promouvoir le chauffage à distance à partir d’énergie renouvelable, recycler les plastiques, promouvoir la pose de panneaux solaires sur les infrastructures publiques, développer un plan lumière cantonal, ou développer le réseau de bornes de recharge pour les véhicules électriques.
Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la réduction des émissions ne suffira toutefois pas à enrayer le dérèglement climatique. Le stockage du dioxyde de carbone (CO2) en sous-sol est une des options complémentaires envisageables. Il tend à rétablir un équilibre entre émissions de CO2) et leur absorption par des puits de carbone, dont notamment les sols.
Des méthodes de capture du CO2 dans l’air ou à la source dans le but de l’injecter dans le sol sont ainsi à l’étude, et plusieurs essais sont déjà en cours dans le monde, notamment chez nous, au Mont Terri dans le Jura. Elles posent toutefois de nombreuses questions, comme comment va évoluer à long terme le CO2 enfoui sous nos pieds, et que se passerait-il en cas de séisme, si une masse de CO2 est libérée soudainement ?
Des techniques naturelles de séquestration du CO2 existent pourtant et sont connues de certains milieux agricoles. Ainsi, dans son dernier rapport publié le 08.08.2019, le GIEC met en exergue le sol comme ressource essentielle et naturelle pour la régulation du climat, puisqu’il permet de capter une partie du CO2 émis lors de la combustion des énergies fossiles.
Dans ce contexte, tout parle en faveur d’une mise en œuvre du concept d’une « agriculture de conservation ». Cette pratique agricole permet d’augmenter le taux de matière organique des sols et repose sur 3 principes :
- Réduire le travail du sol (ne plus retourner et ne plus travailler le sol en profondeur) ;
- Couvrir les sols en permanence (couverts végétaux multi-espèces) ;
- Améliorer la rotation des cultures (suffisamment longue et variée pour limiter les nuisibles propres à chaque culture).
A Genève, l’agriculture de conservation est déjà pratiquée sur plus de 1’000 ha, et la moitié des terres cultivées n’est plus labourée, selon l’Organisation professionnelle faitière des filières agricoles. D’après Pascal Boivin, un spécialiste issu de l’HEPIA, la Haute Ecole du Paysage, d’Ingénierie et d’Architecture du Canton de Genève, « en faisant évoluer les sols agricoles genevois vers une qualité minimale, ceux-ci offriront une possibilité de stockage de 600’000 tonnes d’équivalent CO2, ce qui représente 35% des objectifs du Plan climat genevois ».
Dans le canton de Vaud, les surfaces agricoles couvrent 42% du territoire (alpages compris), et leur capacité d’action pourrait être encore plus importante…
Or la Loi sur l’agriculture vaudoise (LVLAgr, RSV 910.03) prévoit à son article 56 de favoriser une « agriculture respectueuse de l’environnement. Son action vise la réduction des charges sur l’environnement. » La notion de « charges sur l’environnement » est mentionnée également à l’article 57, alinéa 4 où il est écrit que « le département peut réaliser, ou faire exécuter sur mandat, des études générales de concepts de réduction des charges sur l’environnement provenant de la culture du sol et de la détention des animaux. »
Quant aux aides financières dans ce domaine de protection des sols, elles figurent à l’article 59, soit « le département peut soutenir, par l’octroi d’aides individuelles calculées à la surface, les exploitants qui appliquent dans leur exploitation des méthodes et techniques culturales contribuant à la lutte contre l’érosion et à l’amélioration de la fertilité des sols à long terme. »
Les interactions entre l’atmosphère, dont en particulier le CO2, et les sols sont par ailleurs bien connues. La végétation, tout au long de sa croissance et lors de sa décomposition en fin de vie, stocke le carbone dans le sol. Avec l’aide de la microfaune souterraine (vers de terre, bactéries, etc.) ce carbone se transforme en humus et est lié aux argiles du sol pour de longues périodes. Ainsi le sol peut devenir un puits de CO2 pour autant qu’on applique des techniques appropriées telles que l’agriculture de conservation. Un article du Temps, https://www.letemps.ch/sciences/nos-pieds-une-solution-climat, décrit cela d’ailleurs de manière très intéressante.
Aussi, en fonction de ces éléments, nous demandons au Conseil d’Etat, par voie de Postulat, de bien vouloir :
- Évaluer le potentiel de séquestration du dioxyde de carbone (CO2) dans les sols agricoles du canton ;
- Etablir un état des lieux des pratiques actuelles dans le Canton en termes d’agriculture de conservation ;
- Initier et développer un modèle d’agriculture de conservation axé notamment sur la séquestration du CO2 ;
- Etudier la possibilité de mettre en place des projets pilotes.
Merci pour votre attention.
Chavannes-près-Renens, 07.01.2020
Au nom du groupe socialiste
Alexandre RYDLO, Député socialiste
Avec l’appui de la Commission Energie et Environnement du Parti Socialiste Vaudois, en particulier Serge Ansermet, Membre, Fred Tschuy, Président, Patricia Zurcher, Laurent Guidetti, Jonathan Chavanne, Laurée Salamin, Céline Gandar, Filip Uffer, André Maeder, et Léon De Perrot, Membres